Petite histoire dans une nuit d' encre
La lande s'étend à perte de vue sous une nuit d' encre.
Le ciel et la mer sont entrés en connivence. Depuis le temps que ces deux là alignent leur complicité !
Les étoiles ont étrangement déserté la voûte céleste. Celle-ci revêt son habit de pauvreté. La lune est réduite à un entre-filet jaunâtre, une sorte de rictus qui donne froid dans le dos. De grosses déferlantes appuyent leurs forces ancestrales contre les rochers qui luttent face à l'usure.
L'homme avance à tâtons, ses bras battent le vide. Que peut-il bien faire là ? Qu'est-ce-qui le pousse à s'aventurer ainsi , en pleine nuit, à l'écart du village ?
Il continue son chemin impertubablement, s'arrête parfois pour fixer, de son
regard d'aigle, un point visible de lui seul.
Il s'arrête maintenant au pied d' une croix en granit. Il la caresse d'un geste sensuel et ample. Il semble prendre possession de l' oeuvre.
La lande s'étend à perte de vue. Le promeneur a subitement disparu. Le seul souffle qui se fait entendre est celui du vent qui transperce, en gémissant, le silence...
L'homme est concentré à sa tâche. Il apporte les dernières finitions à sa sculpture. Sous son chapeau de paille, négligemment posé sur la tête, il semble heureux dans l'accomplissement de son oeuvre. Tout en lui respire la passion. De temps en temps, le passager d'une charrette l'interpelle chaleureusement et le salue vivement.
A la tombée de la nuit, il retrouve son épouse et de charmantes petites têtes bouclées. Ils s'en vont tous parfois courir dans la lande. Ils y jouent à se faire peur ou à grimacer à la lune.
La lande s'étend à perte de vue. Je suis ce promeneur. Voilà pourquoi je sais... Ce jour-là, la nuit était d'encre. Je suis venu et j'ai disparu par un chemin secret. Celui qui relie les deux mondes comme le lien invisible qui unit, pour l'éternité, la terre, la mer et les cieux.
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