Chronique d’une reconstruction après rééducation
Pendant plusieurs semaines, j’ai vécu au centre de rééducation de Tréboul. Là-bas, nous avions tous un point commun : nos corps ne répondaient plus comme avant. Chacun vivait ses propres difficultés motrices, mais nous étions unis par cette expérience, ce quotidien adapté, et surtout ce regard non jugeant que l’on posait les uns sur les autres.
C'était un cocon. Un endroit où le handicap n’était pas stigmatisé, mais compris. Où chaque petit progrès — lever la jambe plus haut, tenir debout un peu plus longtemps, faire quelques pas sans aide — devenait une victoire partagée. On se sentait encouragés, entourés, et parfois même… "normaux".
Mais depuis mon retour à la maison, tout a changé.
Quand je sors, c’est une autre réalité qui m’attend. Le monde extérieur ne voit pas les efforts accomplis. Il ne voit ni la douleur, ni la rééducation, ni le courage. Il voit juste quelqu’un qui "marche bizarrement", qui avance lentement, qui prend plus de place, qui met plus de temps. Et dans ces moments-là, malgré la décompression médullaire et tous les progrès réalisés, je me ressens diminuée.
Je le dis avec sincérité : c’est violent.
Le choc n’est pas seulement physique. Il est psychologique, émotionnel, social. On revient dans un monde qui n’est pas prêt à nous accueillir tels que nous sommes. Trop peu d’espaces accessibles, des regards gênés ou curieux, un sentiment d’isolement même au milieu de la foule… Ce n’est pas un retour à la vie. C’est une autre forme de combat.
Je continue à avancer. Je garde en mémoire les progrès que j’ai faits, les efforts que je continue de fournir chaque jour. Mais j’ai aussi besoin d’écrire ici, sur mon blog, pour dire que ce retour à la maison, que l’on imagine souvent comme un soulagement, peut être une nouvelle épreuve. Et qu’il faut le dire. Pour briser le silence, pour permettre à d’autres de se reconnaître, pour rappeler que la reconstruction ne s’arrête pas aux murs d’un centre de rééducation.
À tous ceux qui vivent cela aussi, je vous envoie mon soutien. Et à tous les autres, je vous invite à regarder autrement. Car un simple regard de compréhension peut parfois tout changer.
PS:décompression médullaire, réalisée en urgence, à la Cavale Blanche à Brest suite à une minimisation des symptômes par le corps médical et retard de diagnostic. A 48 h près, le bas de mon corps était paralysé.
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