PERIPLE
Gare de Quimper - août 1981
Cela fait des mois que j'attends ce moment. Je l'ai vécu et revécu maintes fois dans mon esprit.
Bagages sur le dos, ma terre en bandoulière, je suis en partance pour la Turquie.
J'ai une pêche d'enfer ! L'amour m'attend au bout du voyage.
Du moins, je le crois...
Station de bus à Paris - août 1981
Débarquant du train, je hèle un taxi. Il me conduit jusqu'à la station de transit des bus.
Celui qui m'attend n'est pas tout jeune. Je parle du moyen de transport bien entendu ! Pas de système de climatisation, des fauteuils inconfortables. La phobie de l'avion m'a conduite à choisir ce mode de transport.
Je sais ce qui m'attend : trois jours et trois nuits de bus jusqu'à Constantinople.
Une lente traversée par l'Italie, la Yougoslavie et la Bulgarie.
Dans ce bus, des familles turques en majorité (elles retournent au pays durant les mois d'été), une femme médecin et un guide touristique.
Celui-ci s'installe sur le siège à côté du mien. C'est le seul voyageur qui parle français. Je vais donc pouvoir converser avec lui. Le temps paraîtra ainsi moins long.
Le bus quitte Paris, direction Lyon puis ensuite l'Italie. C'est d'un regard neuf que j'aborde ce pays que je ne connais pas.
Ma première approche sera avec les douaniers. Ils m'ont demandé deux fois mon passeport et devant, une certaine forme de résistance de ma part, m'ont fait descendre du bus. Ils m'ont regardée avec suspicion.
Une femme voyageant seule à cette époque ne peut que susciter méfiance ou curiosité.
Un arrêt de quelques heures, sous une forte chaleur, me fait connaître un haut lieu touristique : Venise. Je suis séduite par les lieux, mon regard englobe les canaux tandis que mes oreilles subissent les commentaires inlassables du guide touristique. Il me suit à la trace depuis que je lui ai prêté un livre.
Yougoslavie
Le bus reprend poussivement son périple. De temps en temps, le chauffeur s'octroie quelques pauses, tandis que l'autre conducteur dort à l'arrière de celui-ci. Nous en profitons pour nous dégourdir les jambes et satisfaire les besoins naturels.
Nous voici arrivés, maintenant, en territoire de Yougoslavie.
Je suis impressionnée ! J'ai le sentiment de revenir au temps de mon enfance !
La Yougoslavie est alors sous influence soviétique. Les maisons, la pauvreté, les sanitaires rudimentaires, le peu d'aliments dans les échoppes, quelle est loin la société de consommation !
Je prends conscience que tout un monde semble "avoir un train de retard". Je ressens une sensation de malaise intérieur. Tout me paraît froid. Sentiment renforcé lorsque je suis rabrouée par une femme yougoslave alors que je cherche les toilettes.
J'ai hâte de quitter les lieux...
Bulgarie
C'est avec soulagement que j'aborde la Bulgarie. La campagne et ses notes gaies : les petites maisons à toit rouge.
En voyant apparaître le premier minaret, je prends alors conscience de mon arrivée en terre musulmane. J'atteins une autre sphère culturelle et religieuse.
Plus de 3000 kms parcourus, sous une chaleur intense, mes chevilles sont légèrement gonflées. J'ai perdu aussi 3 kgs (je le saurais plus tard). Déjà que je ne suis pas épaisse !
Quelques formalités à la douane s'ensuivent. Quand je dis formalités, entendons-nous ! c'est l'état de siège à Istanbul. Les militaires sont au pouvoir, la situation est explosive.
Tous les bagages sont ouverts, vidés à ciel ouvert.
Je suis également fouillée par des femmes (policiers) qui tâtent mon corps à la recherche d'armes ou de drogue. Le pays est sous tension.
Terminus !
Le bus rejoint maintenant, en plein coeur de la nuit, la gare routière. Mes vêtements sont sales et puent la transpiration. A l'abri des regards, j'en profite pour les changer. Je suis fatiguée par mon périple, n'ayant pratiquement pas dormi durant ces 72 heures. J'ai des nausées. Le guide touristique se tient toujours à mes côtés. Il ne me lâche plus les baskets depuis que je lui ai passé mon livre dédicacé par Martin Gray : "la maison humaine". Il s'est régalé à lire mes annotations sur certaines pages du bouquin et m'a posé maintes questions. Vraiment très sympathique cet homme ! très prévenant ! Il s'inquiète d'ailleurs car il se rend compte que mes nausées s'aggravent. Mon amoureux n'est toujours pas arrivé. Je commence à stresser. Je ne puis le joindre, c'est la nuit et les portables n'existent pas.
Soudain, alors que "mes boyaux sont à l'air", mon petit ami se pointe.
Il englobe la situation, se met à ronchonner, visiblement mécontent de me voir dans cette posture. Il me fusille du regard et me fait quitter brusquement les lieux.J'ai à peine le temps de remercier le guide touristique. Celui-ci me regardera partir avec un air de chien battu, me fera une petite grimace, l'air de dire : il n'est pas commode ton mec !
Le séjour fort mal commencé se terminera aussi moche qu'il a débuté. Je serais mise dans le train du retour comme un colis dont on se débarrasse. Mais ceci est une autre histoire ! celle d'un mariage arrangé...
Durant ces trois jours et trois nuits, j'ai eu la sensation étrange de glisser vers le passé.
°°°°°
Cela fait des mois que j'attends ce moment. Je l'ai vécu et revécu maintes fois dans mon esprit.
Bagages sur le dos, ma terre en bandoulière, je suis en partance pour la Turquie.
J'ai une pêche d'enfer ! L'amour m'attend au bout du voyage.
Du moins, je le crois...
Station de bus à Paris - août 1981
Débarquant du train, je hèle un taxi. Il me conduit jusqu'à la station de transit des bus.
Celui qui m'attend n'est pas tout jeune. Je parle du moyen de transport bien entendu ! Pas de système de climatisation, des fauteuils inconfortables. La phobie de l'avion m'a conduite à choisir ce mode de transport.
Je sais ce qui m'attend : trois jours et trois nuits de bus jusqu'à Constantinople.
Une lente traversée par l'Italie, la Yougoslavie et la Bulgarie.
Dans ce bus, des familles turques en majorité (elles retournent au pays durant les mois d'été), une femme médecin et un guide touristique.
Celui-ci s'installe sur le siège à côté du mien. C'est le seul voyageur qui parle français. Je vais donc pouvoir converser avec lui. Le temps paraîtra ainsi moins long.
Le bus quitte Paris, direction Lyon puis ensuite l'Italie. C'est d'un regard neuf que j'aborde ce pays que je ne connais pas.
Ma première approche sera avec les douaniers. Ils m'ont demandé deux fois mon passeport et devant, une certaine forme de résistance de ma part, m'ont fait descendre du bus. Ils m'ont regardée avec suspicion.
Une femme voyageant seule à cette époque ne peut que susciter méfiance ou curiosité.
Un arrêt de quelques heures, sous une forte chaleur, me fait connaître un haut lieu touristique : Venise. Je suis séduite par les lieux, mon regard englobe les canaux tandis que mes oreilles subissent les commentaires inlassables du guide touristique. Il me suit à la trace depuis que je lui ai prêté un livre.
Yougoslavie
Le bus reprend poussivement son périple. De temps en temps, le chauffeur s'octroie quelques pauses, tandis que l'autre conducteur dort à l'arrière de celui-ci. Nous en profitons pour nous dégourdir les jambes et satisfaire les besoins naturels.
Nous voici arrivés, maintenant, en territoire de Yougoslavie.
Je suis impressionnée ! J'ai le sentiment de revenir au temps de mon enfance !
La Yougoslavie est alors sous influence soviétique. Les maisons, la pauvreté, les sanitaires rudimentaires, le peu d'aliments dans les échoppes, quelle est loin la société de consommation !
Je prends conscience que tout un monde semble "avoir un train de retard". Je ressens une sensation de malaise intérieur. Tout me paraît froid. Sentiment renforcé lorsque je suis rabrouée par une femme yougoslave alors que je cherche les toilettes.
J'ai hâte de quitter les lieux...
Bulgarie
C'est avec soulagement que j'aborde la Bulgarie. La campagne et ses notes gaies : les petites maisons à toit rouge.
En voyant apparaître le premier minaret, je prends alors conscience de mon arrivée en terre musulmane. J'atteins une autre sphère culturelle et religieuse.
Plus de 3000 kms parcourus, sous une chaleur intense, mes chevilles sont légèrement gonflées. J'ai perdu aussi 3 kgs (je le saurais plus tard). Déjà que je ne suis pas épaisse !
Quelques formalités à la douane s'ensuivent. Quand je dis formalités, entendons-nous ! c'est l'état de siège à Istanbul. Les militaires sont au pouvoir, la situation est explosive.
Tous les bagages sont ouverts, vidés à ciel ouvert.
Je suis également fouillée par des femmes (policiers) qui tâtent mon corps à la recherche d'armes ou de drogue. Le pays est sous tension.
Terminus !
Le bus rejoint maintenant, en plein coeur de la nuit, la gare routière. Mes vêtements sont sales et puent la transpiration. A l'abri des regards, j'en profite pour les changer. Je suis fatiguée par mon périple, n'ayant pratiquement pas dormi durant ces 72 heures. J'ai des nausées. Le guide touristique se tient toujours à mes côtés. Il ne me lâche plus les baskets depuis que je lui ai passé mon livre dédicacé par Martin Gray : "la maison humaine". Il s'est régalé à lire mes annotations sur certaines pages du bouquin et m'a posé maintes questions. Vraiment très sympathique cet homme ! très prévenant ! Il s'inquiète d'ailleurs car il se rend compte que mes nausées s'aggravent. Mon amoureux n'est toujours pas arrivé. Je commence à stresser. Je ne puis le joindre, c'est la nuit et les portables n'existent pas.
Soudain, alors que "mes boyaux sont à l'air", mon petit ami se pointe.
Il englobe la situation, se met à ronchonner, visiblement mécontent de me voir dans cette posture. Il me fusille du regard et me fait quitter brusquement les lieux.J'ai à peine le temps de remercier le guide touristique. Celui-ci me regardera partir avec un air de chien battu, me fera une petite grimace, l'air de dire : il n'est pas commode ton mec !
Le séjour fort mal commencé se terminera aussi moche qu'il a débuté. Je serais mise dans le train du retour comme un colis dont on se débarrasse. Mais ceci est une autre histoire ! celle d'un mariage arrangé...
Durant ces trois jours et trois nuits, j'ai eu la sensation étrange de glisser vers le passé.
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