PAROLE D' ISMAIL
Je me prénomme Ismaïl. Mon épouse Aïcha et mes trois enfants sont le soleil de ma vie. Ils rayonnent de l'amour que je leur porte.
L'histoire que je vais vous raconter est véridique. Elle remonte aujourd'hui à ma mémoire.
Est-ce le visage chagrin de ma petite fille qui me la rappelle ? ou alors le soleil qui plonge sur la Corne d'Or ? je ne sais pas...
Lentement, je m'accroche au fil du souvenir. Je remonte celui-ci des profondeurs du Bosphore où plonge ma canne à pêche miraculeuse.
J'ai à nouveau 22 ans, je vaque à mes occupations quotidiennes, dans les toilettes de ce bel hôtel d'Istanbul. Je suis un "petit boy" corvéable à merci. Je travaille, sans relâche, des aurores à la tombée de la nuit .
En ce moment, je nettoie la partie sanitaire de l'édifice blanc. Il fait une chaleur lourde et les clients de l'hôtel ont déserté l'enceinte de celui-ci pour la plage avoisinante.
Les lieux sont entrés en assoupissement quant un léger bruit se fait entendre. Mon oreille s'aiguise, la perception se fait de plus en plus précise, quelques sanglots parviennent à mon esprit attentif.
Je m'approche timidement du lieu. Je vois une jeune femme, aux épaules finement courbées, penchée sur le lavabo.
Ses cheveux ainsi que la couleur de sa peau sont clairs. Elle m'a entendu arriver et relève craintivement la tête. Je croise son regard et j'adoucis le mien. Ses yeux sont habités par le chagrin.
Sa détresse m'invite à lui adresser la parole. Je suis un simple petit serviteur mais je sais parler anglais. Elle me répond entre deux soubresauts.
En l'apprivoisant, je gagne sa confiance. Elle me raconte son histoire.
"J'ai le même âge que toi. Je suis française et j'ai pris le risque d'aimer un homme d'une autre culture que la mienne. Je croyais que l'amour pouvait abolir des frontières et soulever des montagnes. Mon amoureux travaille toute la journée à l'hôpital et je m'ennuie. Je guette, avec impatience, l'instant où il va déboucher au bout de l'allée fleurie.
Les journées sont parfois longues, je ne parle à personne. Hier, en début d'après-midi, je suis allée prendre un soda à la terrasse de l'hôtel. Un homme s'est adressé à moi en anglais.J'ai accepté de lui répondre afin de rompre la conversation muette avec moi-même.
C'est alors que de manière impromptue mon "petit ami" est arrivé. Son regard a saisi la scène, l'a englobée instantanément. Il m'a fait signe de le rejoindre. Je me suis levée, troublée, déconfite, comme prise en faute. Nous avons rejoint la chambre d' hôtel. Il a gardé le silence pendant une heure ou deux.
Lorsqu'il a ouvert la bouche, c'était pour m'accuser de lui avoir volé son argent. Blessée par ses propos, je lui ai proposé d'aller regarder dans l'allée menant au bungalow, pensant que l'argent était tombé de sa poche. Au bout d'une vingtaine de minutes, je suis revenue dans la chambre. Je me suis approchée de lui et j'ai vu des milliers d'étoiles danser devant mes yeux.
Elles étaient de toutes les couleurs. Une douleur m'a déchirée la face, les lèvres, le sang a giclé sur le sol. J'ai reçu un grand coup de poing à assommer un boeuf. J'ai vacillé sur moi-même au bord de l'évanouissement. J'ai cru mourir. L'orage s'est arrêté de tonner quand il s'est allongé sur le lit en boudant. Il a pensé que j'étais allée rejoindre "l'homme de l'après-midi".
Cette jeune femme s'en est allée. Je ne connais pas son nom. J' ignore quel a été son chemin. Je sais simplement qu'un homme de mon pays lui a fait du mal. J'ai honte pour lui. Cette passante m'a traversé de toutes parts. Dépositaire de sa mémoire, j'ai parcouru le temps.
J 'en ai tiré leçon de vie. Je ne ferai pas de mal aux femmes. Je ne porterai pas la main sur elles.
J'ai tenu parole, mon épouse Aïcha et mes filles peuvent en témoigner.
ISTANBUL
AVRIL 2008
PAROLE D' ISMAIL
○○○○○○
L'histoire que je vais vous raconter est véridique. Elle remonte aujourd'hui à ma mémoire.
Est-ce le visage chagrin de ma petite fille qui me la rappelle ? ou alors le soleil qui plonge sur la Corne d'Or ? je ne sais pas...
Lentement, je m'accroche au fil du souvenir. Je remonte celui-ci des profondeurs du Bosphore où plonge ma canne à pêche miraculeuse.
J'ai à nouveau 22 ans, je vaque à mes occupations quotidiennes, dans les toilettes de ce bel hôtel d'Istanbul. Je suis un "petit boy" corvéable à merci. Je travaille, sans relâche, des aurores à la tombée de la nuit .
En ce moment, je nettoie la partie sanitaire de l'édifice blanc. Il fait une chaleur lourde et les clients de l'hôtel ont déserté l'enceinte de celui-ci pour la plage avoisinante.
Les lieux sont entrés en assoupissement quant un léger bruit se fait entendre. Mon oreille s'aiguise, la perception se fait de plus en plus précise, quelques sanglots parviennent à mon esprit attentif.
Je m'approche timidement du lieu. Je vois une jeune femme, aux épaules finement courbées, penchée sur le lavabo.
Ses cheveux ainsi que la couleur de sa peau sont clairs. Elle m'a entendu arriver et relève craintivement la tête. Je croise son regard et j'adoucis le mien. Ses yeux sont habités par le chagrin.
Sa détresse m'invite à lui adresser la parole. Je suis un simple petit serviteur mais je sais parler anglais. Elle me répond entre deux soubresauts.
En l'apprivoisant, je gagne sa confiance. Elle me raconte son histoire.
"J'ai le même âge que toi. Je suis française et j'ai pris le risque d'aimer un homme d'une autre culture que la mienne. Je croyais que l'amour pouvait abolir des frontières et soulever des montagnes. Mon amoureux travaille toute la journée à l'hôpital et je m'ennuie. Je guette, avec impatience, l'instant où il va déboucher au bout de l'allée fleurie.
Les journées sont parfois longues, je ne parle à personne. Hier, en début d'après-midi, je suis allée prendre un soda à la terrasse de l'hôtel. Un homme s'est adressé à moi en anglais.J'ai accepté de lui répondre afin de rompre la conversation muette avec moi-même.
C'est alors que de manière impromptue mon "petit ami" est arrivé. Son regard a saisi la scène, l'a englobée instantanément. Il m'a fait signe de le rejoindre. Je me suis levée, troublée, déconfite, comme prise en faute. Nous avons rejoint la chambre d' hôtel. Il a gardé le silence pendant une heure ou deux.
Lorsqu'il a ouvert la bouche, c'était pour m'accuser de lui avoir volé son argent. Blessée par ses propos, je lui ai proposé d'aller regarder dans l'allée menant au bungalow, pensant que l'argent était tombé de sa poche. Au bout d'une vingtaine de minutes, je suis revenue dans la chambre. Je me suis approchée de lui et j'ai vu des milliers d'étoiles danser devant mes yeux.
Elles étaient de toutes les couleurs. Une douleur m'a déchirée la face, les lèvres, le sang a giclé sur le sol. J'ai reçu un grand coup de poing à assommer un boeuf. J'ai vacillé sur moi-même au bord de l'évanouissement. J'ai cru mourir. L'orage s'est arrêté de tonner quand il s'est allongé sur le lit en boudant. Il a pensé que j'étais allée rejoindre "l'homme de l'après-midi".
Cette jeune femme s'en est allée. Je ne connais pas son nom. J' ignore quel a été son chemin. Je sais simplement qu'un homme de mon pays lui a fait du mal. J'ai honte pour lui. Cette passante m'a traversé de toutes parts. Dépositaire de sa mémoire, j'ai parcouru le temps.
J 'en ai tiré leçon de vie. Je ne ferai pas de mal aux femmes. Je ne porterai pas la main sur elles.
J'ai tenu parole, mon épouse Aïcha et mes filles peuvent en témoigner.
ISTANBUL
AVRIL 2008
PAROLE D' ISMAIL
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