La mélodie des jours enfouis
Il épluche lentement quelques légumes, avec précaution même, comme s'il voulait économiser de leur matière. Quelques minutes auparavant, il a déposé sur le feu une marmite d'eau légèrement salée et poivrée. Une musique de jazz se répand doucement dans la pièce.
Jean vit seul depuis plusieurs années maintenant. Des jours et des jours, des heures et des heures, de solitude plus ou moins bien vécue.
"Les jours avec", il se sent libre, léger et gai comme un pinson. Personne pour le surveiller, l'engueuler, lui dire ce qu'il doit faire et comment le faire.
Jean est alors le plus heureux des hommes. Il enfile sa parka et s'égare, appareil photo en mains, dans la nature environnante. Il en saisit alors les formes, les couleurs, les parfums qu'il restitue généreusement.
"Les jours sans", il se replie sur lui-même. Il devient inaccessible, grognon, désagréable même. Affalé sur son canapé ou sur son transat, il ne s'offre qu'au soleil.
La solitude n'est alors plus son alliée. Elle lui pèse et devient sa prison.
Personne pour lui murmurer des mots doux, lui masser tendrement les yeux et les tempes, s'abandonner à la courbe de son corps. Personne pour lui montrer qu'il existe dans un regard aimé.
En ces moments là, il pressent, sans le réaliser vraiment, qu'une présence féminine manque à sa vie.
Il se remémore ses rencontres passées. Il s'est arrêté parfois puis a continué son chemin. Elle était "trop ceci" ou "pas assez cela". D'autres fois, il s'est contenté d'effleurer et d'effeuiller des corps, les formes généreuses lui plaisaient et il plaisait.
Parfois encore, les femmes sont parties. Il n'était pas "assez ceci" ou "assez cela", elles avaient rencontré quelqu'un d'autre à aimer ou à utiliser.
Jean s'est arrêté brusquement d'éplucher une carotte. La peau de celle-ci reste accrochée au couteau comme un vieux souvenir.
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